Par delà les symboles, par Mohamed Abdoun

François Hollande donne véritablement l’air de vouloir effacer le sentiment  » exécrable  » laissé par son prédécesseur à l’Elysée, Nicolas Sarkozy, en ce qui concerne les relations algéro-françaises. Ce n’est, en effet, pas un hasard s’il a choisi l’Algérie, comme première destination vers un pays arabe, pour les sorties à l’extérieur de son ministre des Affaires Etrangères, Laurent Fabius. Il est, par exemple, établi que le Maroc a déployé de gigantesques efforts de diplomatie et  » persuasion  » pour essayer de se placer sur la liste avant notre pays. 
Mais la symbolique de ce geste, que tout un chacun peut quand même apprécier à sa juste valeur, peut-elle se suffire d’elle-même ? 
La réponse est bien entendu non. 
Trop de sujets de discorde et de pierres d’achoppements continuent, en effet, de diviser les deux pays. 
Le premier, et le plus important sans doute, car coïncidant avec la célébration du cinquantenaire de notre indépendance, réside dans le refus catégorique de la France de reconnaitre ses crimes coloniaux et de s’en repentir. Or, il s’agit là d’un préalable posé par l’Algérie avant toute  » normalisation totale  » des relations entre les deux pays. Il serait curieux, du reste, de voir de quelle manière le chef de la diplomatie française va répondre aux questions qui ne manqueront pas de lui être posées par les journalistes lors de la conférence de presse qu’il devait animer, durant la nuit de dimanche à lundi, en compagnie de Mourad Medelci, son homologue algérien. 
L’autre sujet de discorde important a trait à la position française par rapport à la crise qui secoue le nord du Mali et qui risque de déborder sur toute la bande sahélo-saharienne. Alger se montre particulièrement hostile à toute ingérence et/ou intervention militaire étrangère dans la région. S’il est certain que les évènements finiront par lui donner raison, Paris n’en continue pas moins de défendre une position diamétralement opposée à celle d’Alger, au point, dit-on, que le retrait précipité des troupes françaises d’Afghanistan aurait pour principal but de préparer celui de leur implication dans une éventuelle intervention armée dans le Nord-Mali. 
S’agissant d’économie, Paris continue, encore et toujours, de privilégier le commerce aux investissements créateurs d’emplois et de richesses, et permettant le transfert de technologie et de savoir-faire vers l’Algérie. 
Passons sur la libre circulation des personnes, les procédures souvent humiliantes de délivrance des visas et même la volonté clairement affichée par Paris de dénoncer l’accord de 1968, relatif au statut particulier des Algériens déjà établis en France. 
C’est dire que la visite de Fabius, qui doit préparer celle de Hollande, prévue pour la fin de cette année, risque d’en rester au simple stade de la… symbolique. 
En a-t-on vraiment besoin ? Là est la vraie question…

La France perd du terrain au Mali, au profit des thèses algériennes

Une solution pragmatique de la crise malienne se met laborieusement en place, alors que le ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius effectue une visite en Algérie. Mais si la première phase de cette solution envisagée réunit un consensus, les divergences restent entières pour la suite, avec notamment deux démarches nettement distinctes. L’une, prônée par la France, s’appuie sur une intervention militaire ; la seconde, défendue par l’Algérie et ses alliés africains, privilégie la négociation.
La France perd la main au Mali. La solution préconisée par Paris, envisageant clairement une intervention militaire, ne trouve guère de supporters en dehors de ses clients africains les plus proches. Et au moment où le ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius effectue une visite à Alger, pour défendre la vision française de la solution de la crise au Mali, l’Union africaine, qui tient son sommet à Addis-Abeba, apporte un large soutien à une solution politique.
Pour la France, une reconquête du Nord du Mali par les armées de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) constituait la seule alternative pour contrer l’avance des rebelles touareg. Jouant fortement sur l’émotion, Paris a tenté d’imposer cette démarche et de la faire avaliser par la communauté internationale.
Ainsi, ont été mises en scène les destructions de mausolées traditionnels à Tombouctou, au nord du Mali, par les islamistes du groupe Ansar Eddine, qui contrôlent le nord du pays. De même, les déclarations de dirigeants rebelles affirmant leur volonté d’appliquer la chariaa, ou punissant ceux qui l’ont enfreinte, ont provoqué une radicalisation de l’opinion contre les rebelles maliens.
Mais la démarche française était visiblement inapplicable. Elle butait sur deux grands obstacles. Aucune solution n’était viable tant qu’il n’y aurait pas à Bamako un pouvoir central crédible, capable de respecter un accord politique et de le faire respecter. De plus, la France ne voulait pas intervenir directement au Mali au moment où elle se retirait précisément d’Afghanistan. Elle voulait une participation de l’armée algérienne à l’opération, ce qui a donné lieu à de curieux hommages à la puissance de l’armée algérienne, flattée par les spécialistes et les chroniqueurs français.
La diplomatie algérienne marque des points
Mais l’Algérie s’est refusée de participer à ce qu’un diplomate a qualifié d’aventure. Pour l’Algérie, la solution est politique. Elle l’a inlassablement répétée, affirmant qu’il est possible de négocier avec Ansar Eddine et le Mouvement National de Libération de l’Azawed (MNLA). Ramtane Lamamra, un des meilleurs connaisseurs algériens de la diplomatie africaine, a ainsi déclaré dimanche qu’une solution politique était toujours possible, en menant une double action. D’un côté, isoler le mouvement Ansar Eddine d’Al-Qaïda et des mouvements jihadistes, et de l’autre côté, en invitant le MNLA à abandonner l’idée séparatiste pour aller vers une solution démocratique basée sur la reconnaissance des droits économiques et culturels des Touareg maliens.
Abdelkader Messahel, ministre délégué aux affaires maghrébines et africaines, prenait le risque, de son côté, d’affirmer sa conviction que la négociation pouvait tout apporter alors que les islamistes d’Ansar Eddine étendaient encore leur contrôle au Mali. « On peut négocier avec le MNLA et avec Ansar Eddine, oui », a-t-il affirmé. « Les membres d’Ansar Eddine ne sont pas des salafistes », et Iyad Ag Ghali, chef du mouvement, a été « l’un des négociateurs du Pacte national. C’est un interlocuteur comme les autres », a-t-il rappelé.
Les choses semblent, pour une fois, donner raison aux diplomates algériens. Ceux-ci obtenaient, dans un premier temps, la libération du consul et des six employés consulaires algériens enlevés à Gao, avant que l MNLA n’annonce publiquement sa décision de renoncer à l’idée d’indépendance. Dans le même temps, l’Union Africaine, réunie en sommet à Addis-Abeba, affirmait sa préférence pour la solution politique.

Fabius à Alger pour sa première visite dans un pays arabe

ALGER – Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius était attendu dimanche à Alger pour sa première visite officielle dans un pays arabe, centrée sur un renforcement des liens franco-algériens mais d`abord sur l`urgence de la crise au Mali.
M. Fabius sera accueilli par son homologue algérien Mourad Medelci à son arrivée dimanche à 18h00 GMT à l`aéroport Les deux ministres devraient aborder longuement la situation du Mali voisin, aujourd`hui divisé entre une capitale sans réel gouvernement et un Nord occupé par deux groupes islamistes armés, Ansar Dine (Défenseurs de l`islam) et le Mouvement pour l`unicité et le jihad en Afrique de l`Ouest (Mujao), alliés d`Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
M. Fabius devait également être reçu lundi par le président Abdelaziz Bouteflika pour un entretien suivi d`un déjeuner, avant de repartir en fin d`après-midi.
Les positions d`Alger et Paris sur la résolution du conflit dans ce pays sahélien ne sont pas très éloignées. Tous deux insistent sur la constitution d` »un véritable gouvernement au Mali qui puisse prendre ses responsabilités », selon les mots samedi du président François Hollande. Tous deux considèrent aussi que c`est aux « Africains eux-mêmes d`organiser le soutien au Mali ».
Mais Paris voit en l`Algérie, puissance régionale, une capacité d`intervention militaire, le cas échéant, pour aider au rétablissement de l`autorité de Bamako dans le nord et neutraliser les islamistes. Sans rejeter une option militaire, Alger, consulté depuis des semaines par les Africains et les Occidentaux sur le Mali, oeuvre dans un cadre strictement diplomatique.
« Nous encourageons le dialogue entre les différentes parties, et considérons quil existe encore une chance pour un règlement politique à la crise dans le nord du Mali », déclarait la semaine dernière son ministre chargé
des Affaires maghrébines et africaines Abdelkader Messahel.
Préparer une visite de François Hollande
Le Sahara occidental, occupé depuis 1975 par le Maroc alors qu`Alger soutient les indépendantistes du Polisario, est évoqué dans un éditorial d`El Watan à l`occasion de la venue de M. Fabius.
« De par sa politique partiale, injuste et partisane, Paris contribue à entretenir la tension au Maghreb », affirme le quotidien francophone qui s`interroge sur un réajustement de la diplomatie française, proche des thèses
marocaines.
Enfin, Laurent Fabius vient préparer une visite à l`automne du président Hollande applaudi lors de son élection en mai par les Algériens, après une dégradation des liens politiques avec Nicolas Sarkozy, accusé d`avoir épousé les positions de l`extrême droite française en vue d`une réélection.
Dans un échange de messages pour les 50 ans d`indépendance de l`Algérie le 5 juillet et le 14 juillet, les deux présidents ont insisté sur un regard objectif de leur histoire commune « loin des guerres de mémoire ». 
« La France considère qu`il y a place désormais pour un regard lucide et responsable sur son passé colonial si douloureux et en même temps un élan confiant vers l`avenir », déclarait M. Hollande à son homologue algérien, se référant aux 132 ans de colonisation qui se sont achevés par une guerre d`indépendance meurtrière.
« Les blessures qui ont résulté (de notre histoire commune) pour les Algériens sont profondes, mais nous voulons, comme vous, nous tourner vers le futur et essayer d`en faire un avenir de paix et de prospérité pour les jeunes de nos pays », lui avait répondu M. Bouteflika samedi.
Le nouvel ambassadeur de France à Alger André Parant a qualifié dans son discours du 14 juillet la relation des deux pays de « bonne », marquée par une coopération « étroite » et souligné qu`elle « peut encore être substantiellement renforcée ».
Environ un million d`Algériens vivent en France, tandis qu`environ 24.000 Français vivent en Algérie.
La France reste le premier fournisseur de l`Algérie et son troisième partenaire commercial.
aBamako.com, 15/07/2012